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Autour de la visite du paquebot de croisière Wonder of the Seas, avec la promotion 2022-2024 de la formation Directeur technique des entreprises du spectacle vivant.

Dans le cadre de leur premier regroupement, les stagiaires de la formation de Directeur technique des entreprises du spectacle vivant ont eu l’opportunité de découvrir, arrimé au port de Marseille, le plus grand paquebot de croisière, le Wonder of the Seas. C’est avec Sacha Savenkoff[1], directeur technique du divertissement pour cet équipement, qu’ils ont pu effectuer cette visite des coulisses et de tout son environnement scénotechnique. Un interlocuteur d’autant plus précieux qu’il a précédé ses visiteurs du jour dans la promotion de Direction technique de l’ISTS, en 2018-2020. Avec l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder, c’est l’occasion de revenir sur les enjeux de cette direction technique du divertissement – ici d’un navire de croisière –  relevant de la culture anglo-saxonne de l’entertainment. C’est également un témoignage sur l’évolution professionnelle de nos métiers dans la diversité de leurs emplois et le rôle de la formation.

Sacha, pourrais-tu nous présenter le Wonder of the Seas ?

Le Wonder of the Seas est le 5ème navire de la classe Oasis, actuellement le plus grand bateau de croisières au monde. On y trouve 2300 membres d’équipage et jusqu’à 7000 passagers chaque semaine. Ils ont tous besoin de manger, de dormir, mais aussi et surtout de se divertir ! Construit aux Chantiers de l’Atlantique à Saint Nazaire pour l’armateur RCI (Royal Caribbean International), leader de l’Entertainment dans l’industrie des croisières, le Wonder a navigué en Méditerranée cet été.

Comment devient-on Directeur technique d’un paquebot de croisière ?

Avant de démarrer la formation de Directeur technique j’avais tendance à penser mon parcours professionnel comme plutôt atypique… A l’ISTS je me suis rendu compte qu’on est nombreux à avoir des parcours très similaires, ayant appris sur le tas et évolué au fil de plusieurs postes de technicien, puis de régisseur, pour ensuite nous diriger vers la direction technique.

Après plusieurs années de travail dans des parcs d’attractions à l’étranger et en tournées internationales, principalement dans l’éclairage, j’ai rejoint Royal Caribbean en tant que régisseur lumière en 2010. C’était plus par hasard que par vocation, ma compagne étant danseuse sur glace et, voulant faire un contrat en croisière pour voyager et économiser, je l’ai suivie… Vers la fin de mon premier contrat, j’ai pu évoluer vers un poste de régisseur général au théâtre. Le poste de direction technique n’existait pas encore et j’ai effectué des contrats de régie générale sur de nombreux navires entre 2011 et 2018. Le poste de Technical Director Entertainment a été créé en 2018, lors du lancement du Symphony of the Seas, qui a précédé le Wonder. J’étais alors en début de formation de direction technique à l’ISTS et j’ai été promu en 2019. La majorité des directeurs techniques chez RCI ont un parcours similaire, quelques-uns ont eu une expérience de direction technique chez Disney ou dans une autre compagnie de croisières.

Quelles en sont les spécificités en matière d’équipement, de production, de publics ?

Si l’on considère la flotte entière, Royal Caribbean Entertainment a un public quotidien de 105 000 personnes, et embauche 1 600 artistes, 600 musiciens et 800 techniciens. A l’échelle d’un navire, cela veut dire plusieurs représentations de différents spectacles dans des espaces dédiés, chaque soir de l’année :  le navire ne s’arrête jamais !

Ceci implique des problématiques spécifiques, notamment en ressources humaines. On a un turnover très important et des employés qui viennent du monde entier, y compris dans nos services : le Wonder a une équipe technique de 39 personnes originaires d’une vingtaine de pays différents.

En matière d’équipement, on a généralement la chance de disposer des dernières technologies à bord de chaque nouveau navire. En matière de son, le Wonder est équipé principalement en L-Acoustics, consoles DiGiCo et Yamaha ; les processeurs BSS en Dante permettent de récupérer tout signal dans chaque régie du navire. L’infrastructure réseau en fibre et Cat6 passe par des switch Juniper. Les consoles d’éclairage sont des Hog4, une infrastructure ArtNet et sACN sur Luminex. On a installé BlackTrax dans deux de nos salles et on a six pupitres RoboSpot de Robe. Les trois principales salles de spectacle utilisent le système Pandoras Box de Christie pour le Show Control et la vidéo. Depuis quelques années, la vidéo a pris plus d’importance dans les spectacles et l’on ne compte pas moins de 13 vidéoprojecteurs pour nos spectacles et plus de 150 m2 de LEDS.

L’amphithéâtre Aqua à l’arrière du navire est équipé d’un système de  machinerie hydraulique, très spécifique, conçue par une entreprise canadienne, Handling Specialty, qui représente notre plus gros contrat d’équipement pour l’Entertainment.

L’équipement est mis à rude épreuve, étant utilisé d’une manière quasi quotidienne et devant fonctionner sur un courant électrique produit à bord par des moteurs à fioul marin sur un navire en mouvement constant.

La majorité des spectacles sont produits « in house » sauf pour certaines comédies musicales. Les spectacles sont gratuits à bord, ils sont donc compris dans le prix de la croisière. Notre équipe de production travaille avec les meilleurs concepteurs et programmateurs dans le monde du divertissement grand public. Certains viennent de Broadway ou du West End de Londres, d’autres du Canada  et ayant pour clients, par exemple, le Cirque du Soleil ou Moment Factory, d’autres encore sont indépendants et travaillent pour les cérémonies d’ouvertures des Jeux Olympiques…

Notre Vice-Président, Monsieur Nick Weir, visionnaire et passionné de l’espace, a propulsé cette entreprise dans le 21ème siècle et on est bien loin de « La croisière s’amuse ». L’ambition est d’être numéro 1 du divertissement au monde, pas seulement dans notre industrie mais d’une manière générale.

Comment s’y traduit le rôle et la responsabilité du Directeur Technique ? Quelles particularités retiendrais-tu au regard d’autres exercices de la direction technique ?

La meilleure manière de comparer les deux est l’expression anglaise « same but different ». Le cœur du métier est le même, car mon rôle est d’assurer le bon déroulement technique de nos spectacles, ce qui implique d’avoir la responsabilité des artistes et du public. Je dirige l’équipe technique et assure la continuité du programme de divertissement dans le temps. Le concept est de pouvoir présenter la même qualité de spectacle durant chaque croisière, malgré le turnover de personnel, le vieillissement de l’équipement, etc… Au cours des 30 dernières années, les navires de croisières sont devenus des parcs d’attractions flottants et notre clientèle vient avant tout pour profiter de tout ce que le bateau a à offrir. On est donc plus proche du Directeur Technique de parc d’attractions ou de salle de spectacle de type « Music-Hall » avec le même spectacle, comparativement à la majorité des stagiaires de Direction technique reçus lors de cette visite qui seraient soit directeurs techniques d’un lieu (même lieu, mais spectacles différents) ou d’une compagnie (même spectacle, mais lieux différents).

Quand bien même nous avons des environnements qui fonctionnent de manières différentes, que ce soit en termes de législation ou d’équipement, voire même au niveau des vocations qui animent ceux qui s’y investissent, une compréhension et une curiosité communes des enjeux de nos métiers nous a permis de nous retrouver avec  les stagiaires de l’ISTS, qui ont étés très réceptifs durant cette journée presque trop courte.

[1] Accompagné également par Dominique CHASSE, ingénieur naval des Chantiers de l’Atlantique.

Crédits photos : Nadia L

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